Claude-Ferréol
PAGNIER est né à Petite-Chaux (Franche-Comté) le 6 octobre 1828. Il a donc 42 ans au moment des faits
tragiques, ce 25 juillet 1870 :
soit six jours après la
déclaration de la Guerre de la France à la Prusse,
douze jours avant la fameuse bataille de
Froeschwiller le 6 août 1870
(souvent plus connue sous la bataille de Reichshoffen
puisque c'est de là que
Mac-Mahon avertit Napoléon III de la défaite via télégraphe.
Et dont il reste la fameuse chanson :C’était un soir la bataille de Reichshoffen,Il fallait voir les cuirassiers charger...
On peut d'ailleurs encore actuellement en entendre la mélodie trois fois par jour via les carillons de
l'Eglise de Reichshoffen.)
. Dans un site
institutionnel, il est noté que :
Les 24 et 25 juillet 1870, une patrouille de reconnaissance
prussienne, conduite par le comte
Zeppelin, le futur constructeur de ballons dirigeables, traverse Woerth en venant de Karlsruhe.
Le gendarme Frey, qui a assisté à son passage, se rend à bride abattue à Niederbronn
alerter le régiment de chasseurs à cheval qui y est stationné.
A Schirlenhof, dans l’auberge du village, les hommes du comte Zeppelin s’apprêtent quant à eux à passer à table
lorsque retentit le cri de la sentinelle voyant fondre sur elle un
détachement de cavaliers.
La confusion est à son comble : les chasseurs français sautent à terre, les soldats allemands se précipitent aux fenêtres, d’autres courent à l’écurie récupérer mousquetons et chevaux...
La confrontation tourne à l’avantage des Français en surnombre, mais le maréchal des logis chef Pagnier tombe mortellement blessé,
suivi par l'Allemand Winsloë touché grièvement à son tour.
Il s’agit des premiers militaires tombés en Alsace lors de ce conflit de 1870/71.
On trouvera dans un
autre site
dédié à la guerre de 1870, quelques images pouvant illustrer ce premier
combat.
Jean
Salesse de la Société d'Histoire de Reichshoffen-Niederbronn nous
propose son article :
Récit
des événements
par Albert-Frédéric-Guillaume de Dietrich
Maire de Niederbronn.
La tombe du Français
Claude-Ferréol Pagnier est voisine d'une autre pierre
en mémoire du fameux
Allemand Herbert Winsloë (second lieutenant du 3e dragon) cité ci-dessus :
Ce cénotaphe a été mis en place en 1912. Schirlenhof est noté
Scheuerlenhof.
Comme nous le verrons dans un document infra,
le corps de l'Allemand Herbert
Winsloë reposait au départ à côté de celui de Claude-Ferréol Pagnier,
jusqu'à ce que sa famille le fasse rapatrier.
Autres
éclairages sur ces événements :
Journal
des débats politiques et littéraires du 1er
août 1870
Extraits
Nota bene
: On constatera que le nom de Pagnier n'apparaît pas encore dans ces
articles
où il est cité comme brave officier français décoré de
la médaille militaire et mortellement frappé d'une balle.
On ne précise pas qui l'abat.
De même, Zeppelin n'est pas encore nommé mais décrit comme officier
supérieur wurtembergeois
[...]
qui commandait le détachement
et qui est seul parvenu à s'échapper sur le cheval
enlevé au lancier français
à la place du sien tué par ce brave
militaire.
Il rejoint l'Allemagne le surlendemain.
Les prisonniers
et blessés sont ramenés à Niederbronn (au Vauxhall)
où le général de Bernis exige qu'ils soient bien traités.
Claude-Ferréol Pagnier semble être mort de suite. Herbert Winsloë
meurt apparemment le soir.
|
Petit Journal
Illustré - Paris / 7 août 1910
La tribune est consacrée aux premiers anniversaires de l'année terrible,
et notamment au touchant hommage d'un vétéran allemand
(le baron von Villiez, colonel badois qui a été évoqué
dans les articles ci-dessus
et présent lors du drame de Schirlenhof)
à la mémoire d'un soldat français;
en l'occurrence, Claude-Ferréol Pagnier dont on reconnaît bien la tombe
(qui
n'a pas encore subi les impacts de la Seconde Guerre mondiale).
La scène de l'illustration se déroule donc au cimetière de Niederbronn.
Quarante ans après les
événements tragiques, un grand hommage est rendu à Claude-Ferréol
Pagnier.
Dans l'article rédigé par Ernest Laut et consacré à ce 40e anniversaire tragique,
quelques propos à relever :
-
Extraits du compte rendu de la cérémonie émouvante -
Le baron faisait partie, en 1870, de la patrouille allemande qui tua
Pagnier au hameau de Schirlenhof.
...Arrivé devant la tombe, le vieux militaire s'écrie :
"Pagnier, depuis le Jour où tu es tombé en brave sous mes yeux, au cours d'un loyal combat, j'ai pensé à toi bien souvent, bien souvent.
Ta mémoire m'est chère. Je suis heureux de constater qu'on ne t'oublie pas."
...Tout en prononçant les paroles du Pater,- l'ancien officier allemand place sur la tombe de Pagnier
une couronne faite de feuillage de chêne.
-
Extraits sur les jours précédents le 25 juillet -
Le premier soldat
français tombé réellement sous les balles prussiennes serait donc une
victime anonyme.
Dans la nuit du 20 au 21 juillet.
Le 23 juillet 1906, par l'inauguration au cimetière de Château-Rouge, petit village de la Lorraine annexée, sur la route de Bouzonville à Sarrelouis, d'un monument à la mémoire du
douanier Mouty, qui fut, dit l'inscription gravée sur ce monument,
«la première victime de la guerre de 1870-71.»
Pagnier n'en est en réalité que la
cinquième, car avant lui,
outre Biron, tué par erreur, outre la victime anonyme du 67e de ligne, outre Goudart, il y a encore
Mouty.
Les engagements précédents, au cours desquels étaient morts le cavalier Goudart, le fantassin anonyme du
67e et le douanier Mouty avaient eu lieu avant même la déclaration de
guerre. Cette fois, les hostilités étaient déclarées. La guerre existait en fait entre la France et l'Allemagne.
-
Extraits sur le fameux 25 juillet 1870 -
C'est pendant que les officiers
déjeunaient tranquillement et que les hommes bouchonnaient les chevaux épuisés par la course de la veille,
que se produisit la surprise par les chasseurs français du lieutenant de
Chabot.
La veille, le maire de Woerth, où les Allemands s'étaient montrés, avait informé de leur passage le
général de Bernis, qui bivouaquait à Niederbronn, avec le 12e chasseurs. Le général avait immédiatement mis le régiment en campagne.
Les chasseurs, en ordre dispersé, battaient l'estrade, à la recherche de la reconnaissance allemande.
Le lieutenant de Chabot, ayant trouvé leur piste, se précipita à leur poursuite
avec le maréchal des logis Pagnier et dix-huit chasseurs.
Tout à coup, le dragon badois qui montait la garde à la porte
de l'auberge, appela aux armes.
Pagnier venait d'apparaître au coin d'une rue voisine et s'apprêtait
à le sabrer. L'Allemand l'abattit d'un coup de carabine.
Les officiers allemands se levèrent de table, sautèrent sur leurs armes, les dragons accoururent... Trop tard ! Le lieutenant de Chabot et ses dix-huit chasseurs arrivaient.
Le lieutenant Winsloë se précipita
sabre en main sur l'officier français.
Mais le lieutenant de Chabot l'arrêta net d'une balle de revolver
qui l'étendit mortellement blessé.
Les lieutenants de Villiez et de Wechmar, atteints tous deux de coups de sabre, furent forcés de se rendre, ainsi que leurs soldats.
Quant au capitaine Zeppelin, voyant la partie perdue, il avait pris la fuite. Pagnier, tué par la sentinelle, avait vidé les étriers. Zeppelin aperçut le cheval du maréchal des logis qui errait sans maître d'un bond il fut en selle et gagna la campagne. Quand on s'aperçut de sa fuite, il était trop tard pour le rejoindre. Il gagna les bois et se réfugia dans la cabane d'un bûcheron alsacien, auquel il se fit passer pour un officier français poursuivi par un parti d'éclaireurs allemands. Et le brave bûcheron mit à le cacher toute la ferveur et toute l'ingéniosité de son patriotisme.
M. Lucien Descaves, qui a recueilli sur les lieux mêmes les souvenirs de cette échauffourée, raconte que l'arrivée des Français avait été si soudaine que les curieux rassemblés devant l'auberge avaient à peine eu le temps de se sauver. «Une petite fille, rapporte-t-il, restait interdite au milieu des chasseurs, exposée comme eux au feu des Allemands qui tiraient, abrités dans la maison.
Un chasseur prit l'enfant par la main, la conduisit vers sa mère affolée et revint au combat...»
Il cite encore ce trait :
« Surexcités par la mort du maréchal des logis Pagnier, qui avait fait avec eux la campagne du
Mexique,
les chasseurs s'étaient départis un moment, en paroles du respect qu'on doit aux prisonniers.
Le lieutenant de Villiez alla vers le plus bouillant et lui dit en français :
« - Pourquoi m'insultez-vous ? Je suis soldat comme vous et, de plus, votre supérieur. Saluez ! »
Le chasseur, sensible à la leçon, joignit les talons et fit le salut militaire.
Sur ces entrefaites, le général de Bernis était arrivé avec un autre détachement du
12e chasseurs.
Le lieutenant de Chabot lui remit ses prisonniers.
On réquisitionna une charrette sur laquelle furent placés le blessés et l'on regagna
Niederbronn.
Mais au moment du départ, il se produisit un incident plaisant.
Les Allemands, surpris, n'avaient pas eu le temps de régler la dépense de leur déjeuner. L'aubergiste accourut affolé.
"- Et ma note ?... s'écria-t-il. Qui donc me paiera ma note ?"
Le général de Bernis sourit et, tirant louis de sa poche, le remit au brave Alsacien
C'est ainsi que le vainqueur, ce jour-là, paya le menu des vaincus.
Telle fut la première rencontre entre Français et Allemands au lendemain de la déclaration de guerre.
-
Où l'on revient à la cérémonie du 40e anniversaire et à
Niederbronn -
C'est au pied de ces deux monuments que chaque année se réunissent Français et Allemands pour célébrer les souvenirs héroïques, glorieux et douloureux. Et c'est là que ces jours derniers, devant la pyramide qui surmonte la tombe de Pagnier, le colonel de Villiez qui fut, il y a quarante ans, l'un des combattants de Schirlenhoff, a mis en action de si émouvante façon l'exhortation contenue dans les vers fameux de Victor
Hugo :
" Ceux qui pieusement sont morts pour la patrie
Ont droit qu'à leur tombeau la foule vienne et prie."
Nota bene
: On constatera que le 25
juillet 1870, les armes à feu (carabines, pistolets...)
étaient plus
fatales que les armes blanches (sabres...) !
C'est une période où les deux se côtoyaient encore.
Revolver "à broche"
de type Lefaucheux.
Les artisans armuriers en ont fabriqué énormément d'environ 1860 à
1880.
Voir le fameux
monument
de Château-Rouge évoqué supra et qui ne serait donc pas non celui
du premier mort de la guerre 70/71 !
Merci au fabuleux site du Petit
Journal Illustré |
|
Le
Comte Ferdinand von Zeppelin
(à noter qu'en 1870, il
est âgé de 32 ans
il a dix ans de moins que Claude-Ferréol Pagnier) |
Etudes
Napoléoniennes / Tome 8 - 1915
Dirigées par Edouard Driault
-
Extraits
avec suite de la polémique-
[..] les erreurs s'accumulent aisément et nous verrons plus bas
M. de Zeppelin s'attribuer, de nouveau, dans la communication qu'il nous a faite,
l'honneur d'avoir tué Pagnier, oubliant que, selon M. de Chabot, p. 272,
Kraus le « revendiquait hautement ».
Mais M. de Chabot ignorait lui-même qu'au lendemain de l'événement, une nouvelle de Metz, 27 juillet
- reproduite dans le Courrier du Gard -
affirmait que l'acte avait été commis par le richissime baron von
Wechmar.
-
Description du lieu du drame et faits -
Une dizaine de maisons dans un ravin
écarté, maisons toutes très pauvres, n'était-ce pas l'invite de mettre pied à
terre ?
Justement l'une d'elles avait un semblant d'écurie, et, sise un peu à l'écart, au débouché du chemin
d'Eberbach, facilitait, par ses derrières,
une fuite à travers champs. Elle n'a guère changé, l'auberge Jacob
Lienhard !
« C'est une sorte de lourde grange alsacienne, disait assez exactement Masson-Forestier, qui semble comme écrasée sous l'éteignoir sombre
d'un énorme toit de tuiles brunes. Un rez-de-chaussée sans fenêtres, servant à
remiser des ustensiles de culture, et au premier étage,
auquel on accède par un haut escalier extérieur tout en pierres, quelques
pièces si basses qu'on croirait en heurter le plafond
si l'on ne se baissait par précaution. Là, à droite, une salle éclairée des trois côtés
avec tables et bancs.
La maison est vulgaire, mais point trop laide, avec sa façade recrépie à la chaux, très blanche, ses volets verts
et un pied de vigne capricieux qui se tortille autour de la maison... »
Et c'est là que Zeppelin et les siens, au moment où ils savouraient
une omelette
- le comte tient à ce qu'il soit dit surtout qu'il
« consultait la carte » et ne goûte pas fort l'« omelette »
- cependant certaine et qu'attesta l'aubergiste - furent surpris
par un peloton de 14 hommes du 12e
(régiment des) chasseurs que commandait le
lieutenant de Chabot, sur alarme donnée à Niederbronn par le
gendarme Frey.
Les circonstances de cette alarme, la façon dont procéda le fameux de Bernis,
la poursuite au petit bonheur, la rencontre par hasard :
tout cela est acquis à l'histoire et point n'est besoin que nous y revenions.
-
Témoignage du Comte von Zeppelin -
Voici, cependant, la fidèle traduction d'un passage [...] que
M. de Zeppelin a bien voulu nous envoyer,
nous l'avons dit, de Friedrichshafen :
"La pointe, l'avant-garde et le corps du peloton conduit par Pagnier
galopaient du coté de l'escalier de pierre conduisant à
l'entrée de l'auberge.
Aussitôt on échangea des coups de feu. Le premier
que je tirai manqua. J'en eus honte. Le second atteignit Pagnier au cœur.
J'ordonnai à Wechmar et à Villiez de continuer à défendre l'entrée, tandis que je courais à la porte de derrière pour voir s'il était possible de s'échapper par là.
L'ennemi n'y avait point encore pénétré, ce pourquoi je pris les deux officiers
- Winsloë avait été abattu en se rendant à la grange, où se trouvaient les chevaux
- et deux dragons pour une fuite en commun.
Lorsque je revins à la porte de derrière, une femme tenait par la bride le cheval du défunt
Pagnier. En un clin d' œil
je fus, naturellement, en selle, mais je n'ai cependant, selon toute vraisemblance, donné de l'argent aux aubergistes que lors de la visite que je leur fis le lendemain de la
bataille de Woerth.
Je ne suis pas non plus parti de suite au galop, car j'intimai au préalable à mes camarades sans montures de fuir dans le bois à travers les champs de
houblon Moi-même, je commençai par chevaucher au nez d'une troupe de chasseurs
-
dans le seul but de détourner
ceux-ci de la poursuite de mes camarades.
Plus habile à traverser à cheval les taillis que ceux qui me donnaient la chasse, je laisse
ceux-ci en arrière.
C'est alors que, dans le second bois que je traverse, je me heurte
à un deuxième escadron de chasseurs qui
accouraient à bride abattue.
C'est pourquoi, afin de pratiquer une reconnaissance, je grimpe sur un arbre.
J'y constate que l'escadron en question,
renseigné par ceux qui me poursuivaient, cerne, par le moyen de vedettes, le bois,
et aussi que deux de mes hommes
s'enfuient du Schirlenhof
en se cachant d'arbre à arbre, en bordure d'un chemin.
Je descends, en conséquence, de mon poste
d'observation et tente, mais en vain,
de rejoindre ces deux dragons. Il était, en effet, impossible, en plein soleil et sous les regards
des vedettes ennemies, de ramper sur le ventre, dans un champ de blé de très peu de hauteur, assez vite pour les atteindre.
Je me coule donc de nouveau dans le bois et j'y reste, couché à terre,
jusqu'à environ cinq heures de l'après-midi. »
-
Autres descriptions des faits -
M. de Chabot, qui n'a
pas eu à sa disposition les renseignements dont nous disposons, écrit que Zeppelin, « monté sur un mauvais cheval de troupe »,
arriva
à gagner de couvert en couvert les grands bois qui, au nord de Frœschwilller, s'étendent jusqu'au Palatinat, et,
« par Windstein et
Obersteinbach », atteignit la frontière.
En réalité, la chose n'alla pas sans incidents, dont l'un eût pu être fort grave.
D'abord le comte, avait réglé la note de l'aubergiste avant de
fuir, eut la chance, en chevauchant dans la direction de
Langensulzbach, de trouver un brave homme qui le rassasia de lait
savoureux, puis,
le soir venu, dans le Glinztal, de se rafraîchir chez le Grosser Peter. Quand la nuit fut tombée, il était au
Sulztal.
A deux heures du matin, après un effroyable orage et en pleine obscurité,
il trouva une hospitalité qui, pour un peu, lui eût été fatale,
dans la maison solitaire d'un quaker.
Mais déjà, au sortir de Schirlenhof, il avait failli trouver la mort sans s'en douter et dans des
conditions qui n'ont été révélées qu'à la suite de la publication de
M. A. Spinner.
Dans le récit de G. Weiss, il est fait mention du lieutenant de Chabot, mais on
prétend qu'il commandait « environ 30
hommes ».
Quant à M. de Chabot, qui blessa mortellement Winsloë,
il affirme que le cheval que monta Zeppelin
pour
fuir n'était « pas celui de Pagnier, quoi qu'on en ait dit ».
Il est certain, en tous cas, que c'est à la rapidité de la course de
cette bête de France
que Zeppelin dut, de nouveau, son salut.
En revanche, M. de Chabot affirme que de Bernis ne dut « son salut à Sedan »
qu'à l'un des chevaux allemands capturés
au Schirlenhof et qu'il avait acquis.
-
Médisances -
Se référant
à un passage malheureux de Masson-Forestier - précisément
reproduit par Les Annales -, M. Paul Bourson disait :
La presse allemande s'est vivement emparée de la fin de cet article
et c'est en gros caractères qu'elle reproduit le passage suivant :
« Zeppelin ne fut guère poursuivi. Il avait trop d'avance,
disait-on, et puis on était si pressé de redescendre de suite à
Niederbronn avec les prisonniers,
recueillir les applaudissements
des Jolies baigneuses. » [..];
seul M. Masson-
Forestier pouvait, trente-huit ans après, répéter pareille
insanité.
-
Détails
sur C-F Pagnier, H. Winsloë, sur la cérémonie qui a eu lieu la
veille du 25, sur les obsèques le 26 à Niederbronn -
[...] Les
deux victimes de la rencontre :
le badois Winsloë, qui n'était anglais que d'ascendance ;
le franc-comtois Claude-Ferréol Pagnier, natif des environs de Mouthe,
vétéran des guerres d'Afrique et décoré au Mexique :
médaillé, chevalier de la Légion d'honneur.
Il s'était engagé à vingt-deux ans. Il eût mieux mérité, dans une armée
démocratique, que le maigre grade de maréchal des logis.
Les victimes
furent enterrées
côte à côte, la première le lendemain de la seconde, au cimetière de Niederbronn.
Les obsèques eurent lieu le mardi matin 26 juillet et l'éloge funèbre du héros fut prononcé par un P. Joseph, missionnaire qui,
le dimanche 24 avait prêché devant de Bernis, les officiers et la troupe, dans une messe militaire de grand apparat, comme il convenait aux traditions de
l'Empire.
Sur la tombe de Pagnier, de Bernis prononça de touchants adieux.
Aujourd'hui, les restes de Winsloë ne sont plus à Niederbronn, sa famille les ayant, après la guerre, fait transporter au
foyer.
La nouvelle des obsèques de Pagnier est dans le journal Le
Monde.
Pagnier, il a, lui aussi, son monument, dans
le poétique cimetière de Niederbronn,
à l'étroit et raide chemin en marches d'escalier aboutissant à une hauteur couverte d'ifs et de cyprès, d'où l'on domine toute la ville.
Ce monument, au sommet du Friedhof, en tête de la première rangée de tombes, serait,
à en croire M. de Chabot, une fondation allemande de 1904,
bien qu'un rédacteur du Journal d' Alsace-Lorraine
- passé, lui aussi, à une autre feuille, Le Courrier de Metz
-
M. Sébastien Humbert, affirme qu'il est l'œuvre pieuse du 12e
régiment des chasseurs français.
-
Où l'on revient sur la cérémonie du 40e anniversaire -
Témoignage
sur le 40e anniversaire
C'est là que le dimanche 25 juillet 1910 se sont rendus, après une station au monument de
Winsloë, MM. de
Villiez, son fils, Spinner - au nom du Souvenir français -
et J. Weiss, délégué du Souvenir français- Reichshoffen, qui déposa une couronne envoyée par la société La Schirlenhof, qui s'est
constituée à Paris et est composée d'anciens cavaliers du 12e. Le moment le plus touchant de la cérémonie
- à laquelle M. de Chabot n'avait, contre son gré, pu se rendre et à laquelle M. de Zeppelin, en route pour le Spitzberg, n'alla pas
-
fut celui où M. de Villiez, en civil, s'avança pour déposer une couronne sur cette tombe française.
Ce fut un de ces instants d'indescriptible émotion, dont le souvenir ne s'efface pas.
Le vieil officier - qui, en 1870, on l'a vu plus haut, tranchait si fort, par sa petite taille, sa blonde
jeunesse, sa légère moustache, sur ce géant de Wechmar,
à la barbe touffue, aux membres robustes d'authentique Germain
-, après
quelques brèves paroles où il s'adressa au camarade couché dans
la tombe, prononça brusquement, d'une voix étranglée par des sanglots mal réprimés :
Lasst mich für den, der hier schläft, ein
stilles Gebet verrichten !
Geste sublime de soldat allemand ({qui
prie pour son ancien ennemi, pourquoi faut-il que tu n'aies été
qu'un vain simulacre ? Et il y avait déjà, hélas ! tant d'autres
tombes en Alsace !)
Nota bene
: Une fois de plus, nous avons des éléments nouveaux, certains émis
directement par les protagonistes... Mais
tous les propos déjà recueillis sur cette page démontrent une
fois de plus qu'il faut prendre une certaine distance par rapport à
tout ce qui est dit et écrit...
Entre un témoignage oral ou écrit, forcément subjectif, retransmis,
interprété, déformé, rediffusé, réinterprété, réécrit... et
les faits réels,
il y a toujours une marge d'erreur. Sans parler de l'honneur
et des sentiments patriotiques !
Les premiers soldats morts en 1870, le nombre de soldats exacts qui
ont accompagné Chabot, le meurtrier de Pagnier, l'aubergiste qui
semble finalement avoir été réglé deux fois (sic; mais ce
n'était de trop pour le dédommager de la mésaventure en son
auberge), Winsloë qui ne serait décédé que le soir, le cheval
avec lequel est parti Zeppelin : les versions diffèrent. Même en
ce qui concerne le monument funéraire de Niederbronn dédié à
Pagnier ! Ce
qui semble certain, c'est que les événements ce sont déroulés un
lundi (25 juillet 1870),
et que ce sont les soldats français qui sont passés à
l'offensive dans l'auberge de Schirlenhof, que les Allemands se sont
défendus. Pagnier et Winsloë meurent.
(De) Chabot, Pagnier, (von) Zeppelin, Winsloë, (von) Villiez (Villiers...ému
lors de la cérémonie anniversaire), (von) Wechmar sont les noms
qui sont restés.
Et un général Bernis humain face aux prisonniers.
|
Revenons
d'ailleurs à la fameuse cérémonie du 40e anniversaire,
en 1910, en hommage à Claude-Ferréol Pagnier notamment.
Nous avons vu une illustration, lu deux articles à son propos, mais
voilà une vraie photo !
Parue dans l'ILLUSTRATION du 30 juillet 1910
(L'ILLUSTRATION fut un magazine hebdomadaire publié un
siècle durant depuis 1843.
Toutes les pages et documents, supports en leur possession ont été numérisés et sont
propriété de la famille Baschet qui en gère le fonds.)
|
Nota
bene : Il est
intéressant de comparer les dires, le dessin et cette photo (prise
au moment de la prière ?) :
pas d'Alsacienne en tenue traditionnelle, pas de mausolée à
droite, d'autres arbres, une autre forme de couronne
qui semble
d'ailleurs être fleurie et comporter le mot FRANCAIS.
Le baron de Villiez, debout à droite ?
A noter que la croix
actuelle n'est pas la même (détériorée, elle a été changée
après 2008) et que le monument n'a pas encore subi les impacts de mitraillette
qu'on trouve encore
sur les diverses pierres (Deuxième Guerre mondiale probablement). |
De nos jours, dans le carré
militaire, à côté de Pagnier et Winsloë, on remarque
d'autres tombes de soldats français ou allemands,
... victimes, elles, de la fameuse bataille de Froeschwiller (Reichshoffen)
du 6 août 1870,
soit douze jours après la mission de reconnaissance qui a mal tourné à
Schirlenhof.
Ci-dessous, Kessler et Hindenlang deux militaires de l'Infanterie bavaroise.
La
guerre franco-allemande amorcée le 19 juillet 1870 se termine début
1871 (l'armistice est demandé le 28 janvier par la France).
A Niederbronn, sont présents des monuments commémoratifs (français comme
allemands)
en hommage à tous les soldats morts
le 6 août mais aussi tout au long des ces 7 mois désastreux,
(même au niveau civil où il y eut des morts par famine ou tirs
(armes de poing, canons...), des
blessés, des malades - dont la variole. Lien wiki.
Durant ce conflit, plus de 500 000 personnes militaires ou civiles,
françaises ou allemandes
ont été touchées par la mort, les blessures ou
la maladie.
D'après la carte ci-dessous, ce monument a été offert par
les Niederbronnois :
BNU- Strasbourg
L'ensemble des
monuments commémoratifs de la bataille du 6 août 1870 présents à Niederbonn : site
du Souvenir Français.
Bien entendu, d'autres sont présents dans les environs (Reichshoffen,
Froeschwiller, Elsasshausen,Woerth...)
Cette bataille s'est soldée par plus de
20 000 morts et blessés.
Quelques photos
actuelles de l'auberge et des plaques commémoratives de Schirlenhof dans le
site
dédié au canton.
Dans la
page
netcomete sur la cartographie, on trouvera une carte de Charles
Matthis, avec les divers lieux de bataille.
La région
(Alsace-Lorraine) qui avait connu une partielle puis totale annexion
française au XVIIes. après la guerre de Trente Ans puis Louis
XIV,
redevint à nouveau allemande après la guerre de1870/1871
(suite au traité de Francfort le 10 mai 1871).
Elle est alors dirigée par l'empereur Guillaume et son chancelier
Bismarck.
Quatre décennies plus tard, débute la Première Guerre mondiale...
Photo locale - 1870/71
Archives
netcomete
Quant au Comte
Ferdinand von Zeppelin, retiré définitivement de l'armée en 1890, sa vie
civile a tourné autour des célèbres dirigeables.
Il décède le 8 mars 1917 à Berlin, à l'âge de
79 ans; avant le fin du premier conflit mondial.
Il est enterré à côté de sa femme Isabella au Pragfriedhof
de Stuttgart. Voir l'emplacement.
Il a soutenu que c'est
bien lui qui avait tué Claude-Ferréol Pagnier et qu'il était parti avec
son cheval...
Il a peut-être
regretté de ne pas encore avoir eu d'aéronef pour survoler notre
région en 1870 !
Claude-Ferréol
était un soldat plein de bravoure et symbole des premiers tués du conflit
70/71. Tout comme Herbert Winsloë.
Mais ce sont encore deux morts de trop...
Nous aurions préféré (et sans doute tous les protagonistes de cette
journée tragique du 25 juillet 1870)
que Claude-Ferréol
Pagnier vienne rejoindre Ferdinand von Zeppelin à l'auberge du Schirlenhof
(ou à la Chaîne
d'Or de Niederbronn)
pour partager un déjeuner et échanger joyeusement sur Goethe, le
passé romain, les sources thermales, les lieux magiques...
Pourquoi pas en compagnie de Charles Matthis, alors
âgé de
19 ans?
Mais ça c'est un rêve
de voyage au bout de la nuit que Louis-Ferdinand Céline partagerait
volontiers !
Il rappellerait alors que les chevaux ont bien de la chance eux, car
s'ils subissent aussi la guerre comme nous,
on ne leur demande pas d'y
souscrire, d'avoir l'air d'y croire.
Malheureux mais libres chevaux !
Je dédie
cette page à Pierre
Klein enseignant,
écrivain, militant alsacien européen, Charte ICA et aux moments partagés.
Ainsi qu'à ce cher Karl Onatzken, auteur de Photo
froissée. Autres détails ici.
|